Pierre poilue

Chapitre 1 : Embarquation vers l'incontrôlable.
"T'avais une vie normale, t'étais promis à une vie sympa, avec une famille et des amis, de bons projets que tout le monde encourageait. Un type bien, quoi. Bah plus maintenant, mon coco." - Jack R. Creaver.

Kem' tirait sur sa clope, tapotant nerveusement du pied en dehors du grand entrepot. Beaucoup de monde venaient et en sortaient, les bras chargés de diverses victuailles de valeurs variables. Il songeait au travail qu'on lui avait donné, un truc délicat dont il s'étonne qu'un nouveau comme lui participe. Même sans être totalement "dans le coup", il savait bien que c'était réservé aux experts et aux gens de confiance.
"Crrr-...-... En position tout le monde..."
Le granok éteignit rapidement sa cigarette, la laissant tomber à terre pour l'écraser. Levant ses yeux, il croisa ceux de son coéquipier qui marchait vers lui, un petit aurin brun qui avait tout l'air d'une peluche mignonne. Putain... Que les apparences sont trompeuses.
Heïdan était en train de réajuster son sac, dépassant Kem' en l'ignorant. Il disparu bientôt dans la foule, s'engouffrant dans le bâtiment. Se concentrant sur les alentours, plus spécifiquement sur les caméras qui commençaient à grésiller, Kemelvor avait une énorme boule de stress dans la gorge. La radio s'alluma de nouveau pour laisser parler l'aurin.
"Crrr-... C'est prêt, Tétra l'est aussi, Poilu également."
"Krrr-... Poilu, sort ton canon. A trois, on lance."
Kem' sortait donc son arme, répondant à l'ordre que venait de donner Creaver. Il enleva la sécurité discrètement. C'était normal ici de contempler son arme, moins de tirer avec.

"Un"
Il rumina les gravillons qu'il avait en bouche, se demandait ce qu'on attendait de lui. Il suivrait les ordres et ferait appel à son bon sens pour que tout aille bien. Mais son bon sens lui demandait justement de se barrer d'ici. Ca lui paraissait complètement absurde de faire ça de jour.

"Deux"
Son masque était déjà sur la tête. Il avait l'air d'un scientifique avec ça, mais ça permettait surtout d'évité d'être reconnu. Il est un granok tout à fait classique et lambda, mais on sait jamais.

"Trois"

C'est parti les mecs:

Chapitre 2 : "Vous avez entendu parler du braquage, les gars ?"



Kem' lavait silencieusement les chopes au chiffon. Toute la salle l'accompagnait dans son silence. Personne n'osait se faire remarquer quand Creaver était là. Ce dernier était appuyé contre le comptoir de la taverne dont il avait la propriété, fumant une roulée de tabac. C'était un humain massif, tout en muscle avec un visage fort et ferme mangé par une grosse barbe blonde de bucheron. Ses cheveux fournis formaient une coupe élégante mais pas ridicule. Malgré le fait qu'on pouvait le prendre pour une brute, ses yeux bleus étaient brillants d'intelligence. Jack R. Creaver était un de ces hommes qui avait beaucoup d'influence et qui était complètement imprévisible. Malgré le fait qu'il le dépasse d'un bon mètre, Kem' était fasciné et apeuré par lui.

Posant son verre nettoyé, il vadrouillait ensuite le long du comptoir en demandant qui avait soif. Une main levée de temps en temps demandait un alcool efficace, ce que le granok servait sans faute. Creaver creva le silence de sa voix grave et soutenue.
"Vous avez entendu parler du braquage, les gars ?"
Les clients hochaient tous la tête, en choeur. C'était dur de louper l'info qui passait sur toutes les chaines holo. C'était assez exceptionnel d'avoir un crime de cette ampleur sur le vaisseau arche et nul doute que les forces de l'ordre devaient mettre tout leurs moyens pour éradiquer ce que beaucoup pensent à un acte terroriste Dominion. Kem' hochait aussi la tête, l'air innocent. Mais il savait qu'il y avait participé, il savait aussi que ce n'était pas un acte terroriste. C'était juste un braquage de la part d'une mafia qui avait besoin de certaines ressources. Rien contre les exilés, mais chacun pour soi.

C'était le goût de l'aventure qui l'avait mené jusqu'ici. L'envie de vivre un truc sympathique pour une fois dans sa morne et longue vie. Il avait été trop longtemps tavernier, il avait entendu toutes sortes d'histoires qui tendent à se répéter. Malgré le fait qu'il changeait autant que possible de taverne où travailler, l'ennui revenait vite. Il n'y a rien à faire quand on se lasse de la vie.

Puis est venu le jour où il a travaillé pour Creaver au Pichet Profond. Recruté parce qu'il avait raconté une belle histoire aux clients, ce qui a intrigué Heïdan, le sous gérant, qui lui a dit qu'on lui trouverait une place. Même s'il a senti que Creaver avait été forcé, il a fini par admettre sa présence et à terme lui donner du "boulot".
C'était arrivé tout seul. Il lui a suffit de bien travailler, de bien parler. Heïdan parlait beaucoup, il a été mis assez rapidement au courant des affaires subversives qu'ils menaient. Et ça avait donné envie à Kemelvor. Il sentait l'envie d'essayer quelque chose de différent, d'avoir sa dose d'adrénaline. Jusque là, il n'était pas déçu, mais le regret menace de s'abattre sur lui. Les exilés n'étaient pas tendres avec les bandits. Chaque nuit, il se demandait s'il avait bien fait.

Il était donc devenu "Poilu". Le nom qu'on lui donnait quand il faisait les affaires. Pourquoi ce nom ? Pour rien justement, ça n'avait aucun rapport avec lui et on ne penserait pas à un Granok chauve avec une petite moustache si on parlait d'un "Poilu".

Alors qu'il réfléchissait à tout ça, il jeta un regard sur le majestueux Creaver. Mais lorsqu'il lui rendit son regard, il ne pu que baisser le sien tandis qu'un frisson parcourait son dos.

Kem' regardait Craven penché à la fenêtre, qui mordillait sa roulée en réfléchissant. Il en faisait de même, faisant travailler ses méninges face à la situation désagréable qui se présentait.
Cela faisait quelques temps qu'eux deux se réunissaient pour trouver des solutions aux problèmes qui arrivaient souvent dans une telle organisation. C'était même devenu quotidien. Il n'est pas facile de gérer un réseau criminel, et les soucis ne viennent pas forcément des forces de l'ordre.

"J'en ai plein le cul de ces connards. Chaque fois qu'on arrive à un terrain d'entente avec Bassi, il fout tout en l'air avec ses putains de crises psychothiques le lendemain qui manquent de me buter. J'en peux plus, Kem'."

Contrarié, il tira une bouffée de sa roulée, recrachant la fumée dans un soupir, reprenant ensuite avec sa voix bourrue.

"Le truc chiant est que ça va pas être facile à s'en débarasser. Ils ont du fric jusqu'aux yeux, trois fois plus d'hommes que nous. Le seul truc qu'on a, c'est une taverne qui nous sert de forteresse. On se la joue très défensif, mais j'vois pas comment faire autrement."

Kem' n'avait aucune certitude. Il n'était pas un stratège et n'avait pas d'expérience dans ces affaires là. Mais sa tête bien faite pouvait sortir des idées hors des sentiers tracés. C'était ce qui plaisait à Creaver, le granok écrivait les règles comme il le voulait et c'était souvent efficace. Malgré ça, l'inspiration n'était pas une ressource aisée à trouver. Comment trouver quelque chose que les gens ne sont pas censé prévoir ?

Malgré tout, il gardait la tête froide. Diablement froide. Il avait l'impression d'être un tacticien passant en revue ses troupes mentales, toisant ses propres pensées d'un oeil critique. Qui sera le soldat qui méritera son attention ? Il en exigeait beaucoup, l'erreur n'était pas permise. L'efficacité devait primer sur le reste. Creaver se retourna vers lui en attente d'une réponse alors qu'il réfléchissait encore. Une illumination vint.

"Les forces de l'ordre." lâcha Kem'.
Un haussement de sourcil lui répondit. Après avoir tourné sept fois la langue dans sa bouche, il continua.
"Y'a moyen de leur foutre plein de trucs sur le dos et de les pousser à provoquer un gros merdier qui ferait intervenir les forces de l'ordre. Tu te souviens du braquage ? Y'a moyen selon toi de pouvoir truquer les pistes pour qu'ils remontent jusqu'à eux ? Du moins assez d'indices pour permettre le doute et l'autorisation de fouiller dans leurs affaires. On sait déjà qu'ils font du trafic de drogue, rien que pour ça, ils vont en prendre plein la gueule."

Le boss machouillait nerveusement sa roulée. Ca ne l'enchantait visiblement pas de faire appel à des personnes qu'il ne pouvait pas controler. Creaver était toujours le premier à éradiquer tout les risques possibles, il détestait jouer avec le feu. Pile ce que proposait justement Kemelvor.
Néanmoins, malgré son scepticisme, il semblait curieux. Ce n'était pas une idée mauvaise ni irréalisable. Juste incroyablement risqué. Il fallait autre chose qu'une simple idée, il fallait un plan précis et calibré. Creaver prit la parole.

"Je vois l'idée, lui faire péter un plomb pour qu'il foute le foutoir, c'est facile. Faire passer les poulets dans le coin par hasard, c'est facile aussi. Le trucage, ce doit être faisable par Tétra et Heï... Mh, non, juste Tétra."
Il frotta sa barbe en marquant une pause.
"Mais le truc qui n'est pas facile, c'est de faire agir les poulets comme on le voudrait. S'ils fouinent au mauvais endroit ou si un trucage est mal foutu, on va prendre tellement cher qu'on s'en remettra pas."

Inutile de préciser ce qui leur attendait. La survie dans le vide de l'espace sans équipement adapté ne promettait pas une longue durée de vie. Heureusement dans un sens, errer sans emprise dans cet univers gigantesque pour l'éternité n'était pas ce que voulait Kemelvor. Continuant sur sa lancée, il poursuivit en croisant les bras.

"Et s'ils foutaient le bordel chez eux et non chez nous ? Je me souviens qu'une fois, il avait péter la moitié des tables parce qu'il avait perdu à un jeu de carte. On trouve un soldat qui aime jouer, on envoie un gars jouer contre lui pour perdre, il le complimente et il lui dit que Bassi ferait un excellent adversaire pour lui. La boucle est bouclée et on a rien à voir avec l'histoire.
C'est de notoriété publique que ses hommes se laissent volontairement écraser aux cartes quand ils jouent contre lui pour éviter de se faire démonter. N'importe quel joueur un peu sérieux pourrait lui faire ravaler sa façade."

Creaver opinait tandis que le vieux granok parlait, sa bouche formant une moue approbatrice. "T'es doué pour cerner les gens et retourner leurs défauts en plein dans la gueule. Ca peut ne pas marcher, mais on perd rien à essayer." Il lissa de nouveau sa barbe et se redressa en jetant son mégot par la fenêtre. Il se dirigea ensuite vers la porte d'un pas décidé avant de s'arrêter en posant la main sur la poignée. Se retournant vers Kem', il lui gratifia d'un sourire. "Si tu continues comme ça, t'auras un bon avenir."

Lorsqu'il fut parti, Kemelvor songea à ce qui pouvait lui arriver dans ce bon avenir.