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Vieux Textes Thys

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Message par Thys 24.11.13 11:44

AION




***************

TERA


Le Parchemin oublié.



1. Hatsu.


Elfenn se dirigeait d'un pas décidé vers son lieu de prédilection, son marchepied calé sous un bras.

Elle avait passé la matinée assise près de la fontaine dans le jardin de la bibliothèque. C'était son lieu favori, son petit coin à elle quand elle séjournait à Velika. Elle aimait le tapis de mousse et d'herbes tendres ainsi que la musique des petits jets d'eau chutant en une multitude de gouttelettes irisées dans les vasques. C'est ici qu'elle travaillait les textes qu'elle allait ensuite réciter dans les rues de la capitale humaine, cherchant les mots justes qui tiendraient son public en haleine, travaillant la conclusion de l'histoire à la manière du bouquet final d'un feu d'artifice.

Les habitués l'attendaient déjà, assis à même le sol sur des nattes tressées ou des coussins. Elfenn positionna son marchepied, grimpa dessus, puis elle cria à la cantonade pour attirer l'attention des passants :

« Venez tous écouter le triste sort du dieu Gidd! »

Elle allait se lancer dans son récit lorsqu'elle l'aperçut au coin de la rue, avançant d'un pas nonchalant dans sa direction. Au fur et à mesure qu'il progressait, les yeux d'Elfenn s'assombrissaient. Enfin, il se planta face à elle avec ce sourire en coin qui le quittait rarement.

« Encore cette vieille histoire du dieu Gidd! Tu n'en as pas marre de radoter? »

Elfenn toisa le nouveau venu et croisa les bras sur sa poitrine.

- Je te croyais encore sur L'Île de l'Aube. Que fais-tu ici Hatsu?

- Tu me manquais. Tout se passe anormalement bien quand tu n'es pas là. C'est d'un ennui!

Elfenn tentait de garder son calme face au ton délibérément moqueur de son interlocuteur. Cela faisait deux ans qu'elle connaissait Hatsu. Le jour de leur rencontre, l'humain s'était permis de l'interrompre en plein milieu d'un récit relatant les exploits du guerrier Jewu et la manière dont il avait débarrassé un village d'un troupeau de noruks agressifs. Hatsu s'était écrié :

« Comment? Seulement cent têtes? Moi j'aurais pu en affronter le double! »

Elle n'avait pu résister à la tentation de lui faire prouver ses dires, ce dont il s'était acquitté avec brio à la grande déconvenue de la jeune femme. Depuis lors, elle s'était habituée à son égo surdimensionné et lui s'amusait de ses sautes d'humeur et de ses maladresses.

- Qu'as-tu fait de Tarra?

- Oh! Les Hauts-Elfes et leurs mystères! S'exclama Hatsu en levant les yeux au ciel. Elle avait soit disant des choses à régler. Je l'ai laissée sur l'île. Nous la rejoindrons dans deux semaines.

- Oh ça! N'y compte pas! Trépigna Elfenn. Je n'irai nulle part avec toi pour retomber dans un de tes coups foireux!

Ce disant, elle tapa rageusement du pied sur son estrade improvisée. Le marchepied bascula et Elfenn tomba à la renverse et atterrit lourdement sur son postérieur.

«Tss, tss, tss… Elf, tu devrais surveiller ton régime alimentaire. Ton derrière devient visiblement trop lourd pour être supporté par tes petites jambes!»


Les quelques spectateurs qui dès lors n'avaient pas réagi partirent dans un éclat de rire. Elfenn, définitivement furieuse, se redressa d'un bond et pointa un doigt accusateur sur le torse d'Hatsu.

- Espèce de porcidé poilu! Noruk attardé!

- Tout doux, tout doux! Dit Hatsu en reculant de quelques pas. En voilà une façon de parler à un vieil ami! D'autant plus que sans vouloir te vexer, un porcidé est forcément poilu et un…

- La ferme! C'est toujours la même chose avec toi! Tu disparais on ne sait où et quand tu daignes réapparaître, c'est avec le sourire aux lèvres et un projet farfelu! J'ai mis trois jours à sortir de cette foutue caverne la dernière fois! Trois jours tu m'entends! Môssieur est parti en éclaireur pour ne jamais revenir!

Nullement décontenancé, Hatsu se contenta de hausser les épaules.

- La belle affaire! Tu t'en es très bien sortie toute seule! Si j'avais eu la moindre inquiétude à ton sujet, je…

- Vas-tu enfin me dire pourquoi tu es venu me voir Hatsu!

Le visage d'Hatsu changea brusquement d'expression et Elfenn compris que ce qui amenait son ami était sérieux. Sa curiosité piquée au vif, sa colère retomba comme un soufflet. Hatsu se pencha vers elle.

- Ne voudrais-tu pas remettre ton petit discours à plus tard? L'affaire dont je souhaite t'entretenir doit rester d'ordre privé et je ne voudrais pas qu'elle tombe dans le creux de certaines oreilles.


Définitivement conquise, Elfenn se tourna vers son auditoire qui ne perdait pas une miette de ce qui se passait.

« Pas d'histoire pour aujourd'hui. Mon ami Hatsu est venu me rendre visite et nous avons plein de choses à nous raconter. Mais je vous promets très bientôt de nouveaux récits palpitants! »


Se plaçant derrière Hatsu, elle posa ses deux mains à plat sur le dos de son armure et le poussa violemment en avant.

« Aller vilain! Avance! Tu vas m'expliquer de quoi il retourne. »




2. Tarranye.

Rien! Elle avait cherché partout, mais sans succès. Tarranye poussa un soupir de découragement. Cela faisait plus de trois heures qu'elle parcourait de long en large la bibliothèque du Mysterium, mais aucune trace de ce symbole dont elle avait le croquis en main. De quoi pouvait-il s'agir? Hatsu n'avait pu lui donner davantage d'indice que ce gribouilli dessiné à la va-vite.

Il était venu la trouver un mois plus tôt à Allemantheia et avait tenu à lui parler en privé d'un sujet qui, selon ses dires, était de la plus haute importance.

Tarranye avait regardé son ami d'un air amusé. Ce n'était pas la première fois qu'Hatsu venait lui faire part d'une "extraordinaire découverte". Cependant, il s'agissait toujours de broutilles sans importance connues depuis longtemps du Mysterium.

Or, cette fois, elle devait admettre qu'il lui avait posé une colle et elle brûlait d'envie d'en savoir plus.

Aux dernières nouvelles, Hatsu lui avait fait part de son projet de partir pour cette nouvelle terre qui était apparue entre Arun et Shara, l'Ile de l'Aube. Il lui enverrait une missive afin qu'elle sache où et quand le rejoindre. Elfenn était-elle avec lui?

Au souvenir de la dernière conversation qu'elle avait eu avec son amie humaine, Tarranye sourit. S'il avait osé aller chercher Elfenn, Hatsu avait dû se faire recevoir d'une jolie manière car la jeune femme était furieuse après lui et pas prête de lui pardonner les déconvenues de leur dernière aventure! Ces deux là étaient toujours à se chamailler, passionnés et excessifs, des humains en somme.

Soudain, les traits de Tarranye se figèrent. Mais oui bien sûr! Elle devait absolument se rendre à Velika. Elfenn pourrait sûrement l'aider en lui ouvrant discrètement les portes de la bibliothèque du Cercle. Elle trouverait peut-être un début de réponse parmi les vieilleries conservées là-bas.

Tarranye n'aimait pas le Cercle et ses soi-disant Gardiens qu'elle considérait plutôt comme des pilleurs de reliques. Mais le fait qu'Elfenn fasse partie de cette institution lui avait rendu service à maintes reprises et allait peut-être encore une fois pouvoir l'aider. C'était décidé, elle partirait demain.



3. Le coffre.

« Varel! Avance donc un peu! Il fait noir comme dans un four ici et mes genoux me font atrocement souffrir!! Sommes-nous loin encore? »


Alastor, comte Von Engel, se demandait pour la centième fois au moins ce qui lui avait pris de suivre son ami dans cette galerie sombre et humide dans laquelle ils rampaient depuis dix bonnes minutes. Il grelottait de froid.

« Encore quelques efforts, nous y sommes presque! » Lui répondit Varel.

Alastor et Varel, dix-sept ans, se connaissaient depuis toujours. Varel était le fils de maître Prescard, le précepteur d'Alastor et vieil ami de son père. Les deux jeunes garçons se considéraient comme frères et faisaient tout ensemble. Aussi, quand Varel avait fait part à Alastor de sa dernière découverte, ce dernier avait accepté de l'accompagner sans poser de questions pour cette exploration spéléologique.

Les deux amis progressaient lentement. Ils avaient pris pour tout éclairage de fines bougies dont les flammes vacillaient à chacun de leur effort. Quant à Varel, il était encombré d'un sac contenant des vivres ainsi que d'autres bougies qu'il poussait en avant de sa tête avec difficulté. La galerie était étroite et trop basse de plafond pour que l'on puisse s'y tenir même accroupi. Aussi, les deux jeunes hommes se trainaient tant bien que mal, allongés sur le sol, s'aidant de leurs genoux et de leur seule main libre, l'autre tenant la bougie.

Soudain, Varel s'écria :

« Nous y sommes! Fais attention, le sol se trouve un mètre plus bas. Laisse-toi glisser doucement en avant. »

Alastor vit son ami disparaître puis se redresser debout face à lui. Varel lui prit sa bougie et il put alors se laisser doucement tomber vers le bas comme Varel l'avait fait avant lui. Il fut aussitôt soulagé de pouvoir se tenir debout.


- Pfiou! J'espère que ce que tu souhaites me montrer vaut le coup d'œil, parce que ce n'est pas une partie de plaisir que de parvenir jusqu'ici!


- Attends un peu de voir ça! S'exclama Varel. Puis il farfouilla dans son sac à la recherche des autres bougies qu'il tendit à Alastor. Tiens, aide-moi!

Les deux garçons disposèrent ça et là les chandelles en suivant les parois de la grotte. Puis Varel, qui était sorcier, se concentra. Il envoya au plafond une petite boule de flamme qui éclata en étincelles, lesquelles allumèrent d'un coup toutes les petites bougies. Ce que vit alors Alastor lui coupa le souffle.

Devant eux se trouvait un coffre en métal blanc ciselé, décoré de symboles qui se répétaient, mais qui leur étaient inconnus. Il était absolument magnifique, un véritable travail d'orfèvre d'une finesse incomparable!

- L'as-tu ouvert? Demanda Alastor la voix tremblante d'émotion.

Varel se tourna vers lui le sourire aux lèvres.

- Bien sûr que non! Aller, à toi l'honneur!



4. Le symbole.


L'ambiance était bruyante à souhait. Les serveuses passaient de table en table avec leur large plateau, apportant boissons fraîches et mets fumants à l'odeur appétissante.

Personne ne prêtait attention au couple d'humains attablé dans un coin de la grande salle. La jeune femme, sourcils froncés, fixait une feuille de papier sale et chiffonnée. Le jeune homme, quant à lui, semblait quêter une réponse de la part de sa compagne.

«Tu sais c' que c'est, pas vrai?»

Pas de réponse. Hatsu passa brusquement sa main sur le papier que tenait Elfenn.

«Elf? Ça va?»

Levant les yeux, Elfenn prit un air détaché en complète contradiction avec l'expression qu'elle arborait quelques secondes plus tôt.

- Jamais vu c' machin! Lança-t-telle d'un ton déterminé.

- Elf! On m'la fait pas à moi! T'avais l'air complètement hypnotisée! Aller, sois sympa! Je suis sûr que t'as déjà vu ce symbole dans un des vieux livres poussiéreux que tu conserves dans ta bibliothèque!


Elfenn poussa un soupir exaspéré. Quel besoin avait Hatsu de toujours fourrer son nez partout! Tout allait de travers depuis leur dernière expédition. Elle n'avait vraiment pas besoin de ça!

Perdue dans ses pensées, elle regarda distraitement la brûlure qu'elle avait depuis peu dans la paume de sa main gauche. Ce truc ne cicatrisait pas et la démangeait en permanence. Hatsu surprit son geste.

- Qu'est-ce que tu t'es fait?

- Rien.


- Elf, t'es vraiment bizarre aujourd'hui. Montre-moi ça!

Hatsu tenta d'attraper la main d'Elfenn mais elle se leva brusquement de table.

- C'est rien j'te dis! Laisse tomber tu veux!


- Elf...

- J'te dis de laisser tomber!

Elfenn avait crié si fort qu'un silence de plomb emplit la taverne dans laquelle ils étaient. Elle se dirigea alors vers la sortie et s'enfuit en courant dès qu'elle eut franchi le seuil.

Hatsu ne chercha pas à la suivre. Elfenn lui cachait quelque chose, c'était certain, mais il savait qu'il allait falloir se montrer malin et patient pour percer le mystère. En attendant, une petite visite à Tarranye s'imposait. Elle en avait peut-être appris plus de son côté. Il laissa quelques pièces sur la table, daigna offrir un sourire à la jolie serveuse qui lui faisait de l'œil depuis qu'Elfenn avait quitté les lieux, pensant sans doute avoir assisté à une querelle d'amoureux, puis il sortit à son tour de la taverne.



5. Disparition (Première partie)


Le soir tombait sur Velika. Une fine silhouette sombre se détachait sur les murs blancs ; elle semblait flotter au-dessus du sol. Hatsu plissa les yeux ; il connaissait cette démarche gracieuse qui ne pouvait appartenir qu'à un haut-elfe! Mais que faisait-elle ici? Visiblement, elle ne souhaitait pas être reconnue. Elle longeait les murs, dissimulée sous un long manteau à capuche bleu-nuit dont le tissu vaporeux virevoltait autour de ses chevilles à chacun de ses pas. Comme il s'en doutait elle tourna dans la rue où se trouvait la bibliothèque. Après s'être assurée de n'être vue de personne, elle sortit de sous son manteau une besace en cuir et fouilla à l'intérieur. Hatsu avait déjà observé ce manège à maintes reprises lors de ses expéditions avec Tarranye. Il se rapprocha discrètement. Elle s'apprêtait à faire un de ses fameux tours de passe-passe quand il intervint.


- Elfenn n'est pas là.


La haute-elfe se figea brusquement. Elle savait qu'il ne serait pas aisé de pénétrer dans la bibliothèque, mais elle ne s'attendait pas à ce que la difficulté prenne les traits d'Hatsu. Elle se retourna lentement et lui fit face. Hatsu était appuyé contre un mur, bras croisés et la regardait avec son petit sourire en coin, comme à son habitude. Tarranye soupira.


- Et puis-je savoir comment tu le sais? Tu es resté planté là toute la journée en l'attendant peut-être?



- Hum, à vrai dire, c'est un peu plus compliqué que ça. Si tu pouvais te dépêcher d'ouvrir cette porte, nous pourrions poursuivre cette discussion à l'intérieur.



- Non! Toi tu restes là! Je rentre, je fais un rapide tour de repérage et je ressors!



- Oh que non je ne reste pas là! J'ai toujours voulu savoir ce qui se cache là-dedans! Tu ne vas pas me priver de ce plaisir!



- Très bien!
Lâcha Tarranye. Mais tais-toi! J'ai besoin de rester concentrée sur ce que je fais. Si ça se trouve, il y encore du monde à l'intérieur. Nous devons faire le moins de bruit possible!


Hatsu leva les yeux au ciel.


- Ne pourrais-tu pas lancer un petit enchantement histoire d'aller plus vite?



Tarranye planta ses yeux bleus dans ceux d'Hatsu.


- Je viens de te dire qu'il fallait rester prudent. Crois-tu réellement qu'une boule de feu ou une charge électrique soient ce qu'il y a de plus discret?



- Hum… Eh bien je dois avouer que…


- Chut! Interrompit Tarranye exaspérée.


Elle introduisit délicatement une tige de fer tordue dans la grosse serrure de l'imposante porte. Tarranye avait un don pour ce genre de travail. Elle arrivait à bout de toutes les serrures avec une dextérité et une rapidité déconcertante. Mais personne - à part Hatsu et Elfenn - n'avait pu la voir à l'œuvre.


Comme Hatsu, Tarranye avait connu Elfenn deux années plus tôt au détour d'une rue de Velika. Elle s'était laissée happer par la passion contenue dans la voix de l'humaine. Et lorsqu'Hatsu avait défié Elfenn au milieu d'une de ses histoires, elle avait été le témoin de ce qui ne serait que la première des nombreuses disputes qu'elle aurait à gérer entre ces deux forts tempéraments!


Quant à elle, c'était une nature calme et enjouée, ce qui créait un contraste avec son physique plutôt froid et son air hautain. Grande et fine, les cheveux blonds cendrés le plus souvent noués en queue de cheval, elle avait les yeux d'un bleu très clair et le teint pâle. Sa très forte amitié avec deux humains étonnait souvent ses pairs, mais Tarranye n'en avait cure car c'était un esprit indépendant. Elle était entrée très jeune au sein du Mysterium, comme ses parents avant elle, mais elle en parlait très rarement car cela ne revêtait guère d'importance à ses yeux. Elle n'avait réellement compris le sens de cet engagement que quelques semaines plus tôt, lorsqu'Hatsu lui avait ramené un dessin représentant un symbole gravé sur la paroi d'une caverne qu'il avait été explorer en compagnie d'Elfenn dans les environs de Velika. Piquée de curiosité, elle avait voulu aider Hatsu à comprendre de quoi il s'agissait. Ne trouvant rien dans la bibliothèque du Mysterium, elle avait demandé l'aide de Lym, le vieil archiviste.

Là avait été son erreur. Elle avait décelé la lueur d'intérêt dans le regard de Lym, elle avait vu qu'il connaissait ce symbole, mais il avait feint ne pas savoir ce dont il s'agissait. Quand il lui avait proposé de présenter son croquis aux plus anciens et de le conserver aux archives "au cas où" il viendrait à trouver une information, elle avait poliment refusé, sachant pertinemment que dès qu'elle aurait quitté les lieux, il s'empresserait d'avertir les plus hautes instances de l'institution. Elle était partie pour Velika dès le lendemain matin.


La porte céda et Tarranye poussa lentement le battant. Hatsu la précéda dans le large couloir de l'entrée. C'était la place qui lui revenait. Dans toutes leurs expéditions communes, il passait toujours en tête pour protéger ses deux compagnes. Ils progressèrent à pas lents. Il faisait très sombre et les lieux semblaient déserts. Ils débouchèrent dans une pièce circulaire d'une hauteur faramineuse. Des centaines de livres s'alignaient sur des étagères montant jusqu'au plafond. Au centre de la pièce se trouvait le buste en bronze d'un homme. Partout le silence régnait.


Ils se dirigèrent vers les étagères du bas et commencèrent à lire les titres des différents ouvrages qui s'y trouvaient.

- Juste une question
,
chuchota Hatsu. Pourquoi pénétrer ici par effraction? Ne pouvais-tu pas demander tout simplement à Elf de te donner l'accès à la bibliothèque?


- Je ne voulais pas mêler Elfenn à tout ça. Et si tu n'étais pas aussi fouineur, je me serais débrouillée seule ce soir encore, t'évitant certainement de gros ennuis!



- Des ennuis?
S'amusa Hatsu.


- Le croquis que tu m'as donné, j'ai cherché partout dans la bibliothèque du Mysterium. Je n'ai rien trouvé! Je suis allée trouver Lym, l'un des archivistes. Il m'a dit ne pas pouvoir me renseigner mais j'ai bien vu qu'il mentait! A l'heure qu'il est, tout le Mysterium est au courant et je suis certainement surveillée… Toi et Elfenn aussi! Je ne sais pas ce que représente ce symbole Hatsu, mais vu la réaction de Lym, c'est quelque chose d'important!


Oui, Hatsu savait que pour une fois, il avait mis le doigt sur quelque chose qui le dépassait. Même Elfenn avait eu une réaction déconcertante. Mais de quoi pouvait-il bien s'agir? Tarranye le sortit de ses réflexions.

- Hatsu? Que se passe-t-il?



- J'ai vu Elf aujourd'hui.


- Ah?


- Je lui ai montré le croquis. Elle aussi a réagi bizarrement… Tarra, Elf connaît ce symbole! Et vu comment elle s'est enfui, elle craint quelque chose!



- Elle s'est enfui? C'est pour ça que tu attendais devant la bibliothèque!



- Je m'inquiétais! Elfenn s'est blessée à la main, une vilaine brûlure! Quand j'ai voulu voir de plus près l'état de la plaie, elle s'est mise à crier que ça ne me regardait pas et elle est partie en courant. Je ne sais pas ce qu'elle a en ce moment, mais cette histoire sent mauvais! Nous devons la retrouver!


5. Disparition (Deuxième partie)

Comme sortit du tréfond du sol, Hatsu et Tarranye entendirent un grincement sourd à vous glacer les sangs.


- C'était quoi ça? Demanda Hatsu sur ses gardes.

Tarranye lui fit signe de se taire. Le bruit persistait, celui d'une lourde charge que l'on trainait sur le sol. Hatsu pointa du doigt l'endroit d'où le son semblait provenir. Les deux amis se dirigèrent avec prudence vers une petite porte située sous l'un des escaliers. Tarranye tourna la poignée et poussa doucement. Ils pénétrèrent dans une grande salle rectangulaire. En son centre se tenait une grande table, rectangulaire elle-aussi et qui mangeait une bonne partie de l'espace disponible, aux murs, plusieurs étagères supportaient de lourds ouvrages encyclopédiques. Au sol, de beaux tapis chamarrés égayaient la pièce de leurs tons rouges.

- Ici! S'exclama Hatsu.

Dans un coin de la pièce, un petit trépied en bois massif semblait avoir été déplacé et l'un des tapis avait été à moitié rabattu. On pouvait voir sur le sol une trappe en bois. Deux encoches permettaient de placer ses mains afin de la soulever plus aisément. Hatsu s'apprêtait à soulever la trappe lorsqu'il fut arrêté par Tarranye.


- Je ne crois pas que cela soit très prudent. Je ne suis pas venue ici pour ça! On finit le tour de la bibliothèque et on s'en va!


- Tu veux finir le tour de la bibliothèque? Mais pour chercher quoi au juste? Cette bibliothèque est immense et trouver un livre évoquant le symbole revient à chercher une aiguille dans une botte de foin! Nous ne savons même pas par où commencer! Cette trappe, ça c'est une découverte! Un passage secret dans ce vieux bâtiment! Aller quoi! Ne me dis pas que tu n'as pas envie de savoir ce qu'il y a là-dessous!


- C'est justement là qu'est le problème! On ne sait pas ce qu'il y a là-dessous! On sait juste que quelqu'un est passé par là il y a quelques minutes et je ne veux pas tomber nez à nez avec cette ou ces personnes!


- Ce que tu peux être rabat-joie! Et peureuse par-dessus le marché! Très bien! Reste ici si ça te chante, mais moi, je vais voir!


Sur ce, Hatsu plaça ses mains dans les deux encoches et tira. La trappe se souleva facilement mais dans un léger grincement qui fit grimacer Tarranye. A leur grande surprise, une douce lumière émanait du dessous. Aucune échelle ne permettait d'accéder à cette cave. Hatsu s'assit sur le sol, plaça ses jambes dans le trou que cachait la trappe et se laissa glisser. Il resta les pieds dans le vide pendant un court instant, s'accrochant au niveau du dessus à la force des bras le temps d'évaluer à quelle profondeur se situait le sol, puis il finit par lâcher prise et atterrit dans un saut calculé, accroupit, appuyé sur ses deux mains afin de garder l'équilibre. Sa chute avait provoqué un bruit sourd et Tarranye avait poussé un petit cri de peur. Elle se pencha au-dessus de l'ouverture à la recherche de son compagnon et appela en chuchotant.


- Hatsu? Tout va bien?

- ...

Hatsu finit par se redresser lentement et Tarranye poussa un soupir de soulagement. Puis il observa l'environnement.


- Bon sang Tarra, tu devrais venir voir ça!

- Hors de question que je descende là-dedans! Je t'ai dit que je ne voulais pas rester! Allons nous-en!

- Tarra, fais-moi plaisir, ferme-la et descend! Je t'assure que ça vaut le coup d'oeil!


Vexée, Tarranye hésita un instant, puis, vaincue par la curiosité, elle finit par se laisser glisser sur le sol à son tour en grommelant.


- C'est une très mauvaise idée! S'il nous arrive quoique ce soit, tu seras le seul responsable!


- Mais oui, c'est ça! Répondit Hatsu dans un sourire moqueur.

Puis, saisissant les jambes de sa compagne, il l'aida à atteindre le sol. Tarranye put alors découvrir non pas une cave comme elle s'y était attendue, mais un couloir étroit richement tapissé. Quelques meubles de belle facture étaient disposés tout le long et des lampes dispensaient une douce lumière à l'ensemble. Tarranye resta muette de stupeur face à tant de bon goût et de délicatesse.


- Mais où somme-nous donc?
Demanda-t-elle interloquée.

- Je n'en sais fichtrement rien.
Répondit Hatsu. Mais maintenant que nous sommes ici, faisons le tour du propriétaire.

Tarranye leva les yeux au ciel.

- Je ne sais pas pourquoi je me doutais que tu n'allais pas vouloir en rester là.


Ils avancèrent prudemment, prenant le temps d'admirer la richesse des lieux.


6. Disparition (Troisième partie)

- Elfenn m'a dit un jour que ce bâtiment est en fait un ancien hôtel particulier des comtes Von Engel. Crois-tu que tout ceci leur appartenait? Demanda Hatsu.

- Peut-être, oui. Répondit Tarranye. Après tout, Varel Prescard, le fondateur du Cercle, était très proche de la famille Von Engel à ce qu'il paraît.

Ils parvinrent au bout du couloir ; ce dernier continuant sur la gauche, ils poursuivirent leur progression et découvrirent cinq portes. Leur instinct les conduisit directement à celle qui fermait le couloir et se trouvait face à eux.

Tarranye colla l'oreille sur la porte.

- Pas de bruit. Chuchota-t-elle.

Elle tourna la poignée lentement tout en se demandant ce qu'elle fabriquait ici, ce qui la poussait à vouloir absolument savoir ce qu'il y avait au-delà de cette porte. Hatsu, lui, attendait qu'elle ouvre, tout excité par la situation dans laquelle ils s'étaient retrouvés tous les deux, dans ce vieux bâtiment plein de surprises dont ils exploraient un endroit, il en était certain, inconnu de la majorité des Gardiens et sûrement d'Elfenn elle-même!

La porte s'ouvrit sur un petit salon à la décoration chaleureuse mais sobre. Un sofa agrémenté de coussins moelleux était adossé contre le mur qui leur faisait face ; au sol se trouvaient de beaux tapis aux couleurs chaudes. Le reste du mobilier se composait d'une petite table et de quelques étagères sur lesquelles étaient disposés divers objets : une petite statuette en pierre représentant une femme en robe longue, une sculpture en bois poli, des cailloux de différentes formes et différentes couleurs et des petites boîtes en bois. Tarranye souleva le couvercle de l'une d'elle.

- Du sable?

- Il y a de la terre rouge dans celle-ci.
Répondit Hatsu qui avait ouvert une autre boîte.

- Etonnant... A quoi bon conserver du sable, de la terre et de vulgaires cailloux?


- Hum... Des souvenirs peut-être?


Tarranye regarda Hatsu amusée.

- Drôles de souvenirs!


Ils se mirent à pouffer tous les deux, s'imaginant le nombre de boîtes remplies de bric-à-brac qu'ils pourraient conserver chez eux s'ils ramenaient de chaque expédition quelque chose d'aussi insignifiant qu'une poignée de sable ou un caillou.

Le mur droit était en son centre caché par un lourd rideau. En le soulevant, ils trouvèrent un accès vers une autre pièce. Il s'agissait d'une chambre. Un petit lit était calé contre le mur avec à sa tête une table de nuit sur laquelle se tenait une petite lampe. De l'autre côté, il y avait un piano droit en bois clair que Tarranye vint effleurer du bout des doigts.

- Tarra! Regarde ça! S'écria Hatsu.

Tarranye se tourna vers le mur que regardait Hatsu.

- Incroyable.
Murmura-t-elle.

- Il doit s'agir de sa mère...

- La ressemblance est frappante en tout cas!

Ils se tenaient face à une peinture à l'huile représentant un homme debout derrière une chaise. Et ce qui retenait à ce point leur attention, c'était la jeune femme assise sur cette chaise. Ses cheveux bruns réunis dans un chignon dont quelques mèches folles retombaient en boucles souples de part et d'autre de son visage, ses yeux sombres pailletés d'or, sa petite bouche aux lèvres pleines esquissant un doux sourire. Elfenn!

Sauf qu'il était absolument impossible que ce soit elle, car Elfenn était une toute jeune femme d'une vingtaine d'années à peine et que ce portrait avait visiblement plus de cinquante ans!

- C'est bien Varel Prescard, n'est-ce pas?
Demanda Hatsu.

- Il me semble que oui. Répondit Tarranye. Je ne l'ai croisé qu'une seule fois avec mes parents, mais je n'étais qu'une toute petite fille et c'était déjà un vieillard. Sur ce portrait, il est encore assez jeune.

- Regarde comme il pose sa main sur son épaule... Crois-tu...


- Elfenn, fille de Varel Prescard? Interrompit Tarranye interloquée.

- Et pourquoi pas? Elfenn ne parle jamais d'elle, de sa famille, de ses racines. Nous ne savons rien à ce sujet. Mais ce portrait... Enfin, la ressemblance est trop frappante pour qu'il s'agisse d'une simple coïncidence!

- Les parents d'Elfenn...

Ils en étaient là de leurs réflexions lorsque la porte s'ouvrit. Un silence pesant régna alors dans la pièce. Tarranye et Hatsu restaient figés sur place tandis qu'Elfenn jugeait la situation. Puis elle finit par poser au sol l'objet encombrant qu'elle portait à bout de bras.

Tarranye et Hatsu regardèrent alors l'objet en question. Il s'agissait d'un coffre en métal blanc décoré de... Hatsu prit le bras de Tarranye et attira son attention sur les symboles ciselés sur la surface du coffre.

Alors, ils le virent, ils levèrent les yeux vers Elfenn et à l'expression de son visage, ils comprirent qu'ils s'étaient trompés...


7. Départ.

Elfenn plongea les mains dans la bassine d'eau fraîche et s'aspergea généreusement le visage. Puis elle s'épongea avec le linge propre posé sur le dossier de sa chaise. Elle revêtit une robe simple, dans les tons roses, releva ses cheveux et les rassembla en chignon désordonné.

Elle se dirigea ensuite vers le coin de sa chambre. Elle ramassa les vêtements qui jonchaient le sol, les plia soigneusement et les plaça dans une malle. Elle posa par-dessus un disque de sorcier ainsi qu'une jolie broche en forme de papillon de confection elfique. Elle referma la malle et la scella avec un lourd cadenas. Puis elle s'accroupit afin de relever une lance qu'elle cala entre la malle et le mur.

Ayant fait cela, Elfenn s'agenouilla devant le coffre en métal blanc. Elle l'effleura lentement de la main, toucha du bout des doigts les motifs ciselés, s'attardant sur l'un d'eux en particulier. Ses yeux s'embuèrent de larmes qu'elle peina à contenir.

Elle se sentait complètement démunie, dépassée, mais elle avait une mission à remplir et elle ne pouvait souffrir que quelqu'un se mette en travers de son chemin. Elle voulait savoir, elle en avait besoin, c'était devenu viscéral!

Sauf que seule, elle ne pouvait rien faire. Varel et Alastor l'avaient appris à leur dépend il y a bien longtemps. Elle releva le visage et regarda le tableau qui ornait le mur de sa chambre.


- Varel... Murmura-t-elle.

A lui aussi elle n'avait pu s'empêcher de faire du mal!

Puis son regard glissa vers la jeune femme assise dos à lui, vers ses yeux graves et son doux sourire.

Elle se détourna brusquement du portrait, se dirigea vers le mur à la gauche de son lit, fit jouer l'une des grosses pierres du bas jusqu'à ce qu'elle se déchausse du reste du mur. Elle poussa alors le coffre à l'intérieur de la cavité qui se trouvait là et replaça la pierre. Puis elle quitta la pièce.

Elle remonta dans le bâtiment principal, dans cette bibliothèque qu'elle affectionnait tant et où elle avait échoué un demi siècle plus tôt. Il lui restait une chose à faire avant de partir.


Elle emprunta un des escaliers circulaires et grimpa jusqu'au second étage. Elle avança de quelques pas et compta jusqu'à cinq en partant de l'étagère du bas. Il était là. Un gros livre d'aspect ordinaire avec une couverture en cuir rendue poisseuse par le poids des ans et la poussière.

Elle sortit le livre délicatement et tendit la main dans l'espace laissé vide. Elle ne tarda pas à sortir un gros rouleau de cuir dont elle ota la capuchon. Elle resta figée quelques instants puis finit par pencher le rouleau en avant, faisant glisser un parchemin dans sa main. Elle laissa le rouleau de cuir tomber sur le sol. Après tout, quelle importance maintenant que sa décision était prise. Elle redescendit au rez-de-chaussée avec le parchemin et se planta devant le buste en bronze de Varel.


- Que les choses soient claires!
Dit-elle en fixant la statue dans les yeux. Je me fiche pas mal de ce qui peut leur arriver! Mais je leur laisse la chance que je ne t'ai pas laissé. A présent, nous sommes quittes.


Elle plaça le parchemin devant le buste. Elle tourna les talons et s'en fut de la bibliothèque sans un regard en arrière.

La Fédération recherchait toujours des volontaires pour partir sur cette nouvelle île qui était apparue entre Arun et Shara. Elle avait décidé de s'engager. Après tout, peut-être qu'elle les retrouverait là-bas?
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Message par Thys 24.11.13 12:16

**********

Il n'est pire eau que l'eau qui dort.


1. L'habit ne fait pas le moine.

Elle avait ce désir ancré au plus profond d'elle-même, ou plutôt cette obsession qui grandissait de jour en jour et qui menaçait de faire exploser sa tête! Il fallait que cela sorte, coûte que coûte!

Elle ramassa le caillou resté au sol et le tint entre son pouce et son index pour admirer sa couleur et sa forme. Qui aurait cru que ce gros lourdaud donnerait un cœur! Elle glissa son trophée dans la petite bourse qu'elle portait autour de la taille et dévala la pente en direction de la ville.

En passant devant un amas de buissons, elle ralentit et réfléchit un instant. Non, avec les préparatifs de l'anniversaire, mieux valait passer par l'entrée principale. Elle poursuivit donc son chemin vers la porte nord et pénétra dans la cité. Le bruit et les odeurs l'assaillirent violemment et elle sentit une vague nauséeuse lui brûler le gosier. Il fallait faire vite. Fixant le sol, elle s'exhorta au calme puis se dirigea rapidement jusqu'à la bibliothèque.
En apercevant l'entrée au centre de la rue, elle pressa le pas! Enfin! Elle avait besoin de tranquilité et seul le bruit de l'eau pouvait l'apaiser à cet instant. Cependant, passé le mur d'enceinte, elle trouva des piles de cartons devant la porte laissée grande ouverte ainsi que des chaises abandonnées ça et là portant sur leur dossier des guirlandes colorées.

Elfenn leva les yeux au ciel. Encore un coup de cette pimbêche! Elle avait vraiment fait les choses en grand!

La pimbêche en question ne tarda pas à apparaître suivie d'une armée de mâles hypnotisés par ses grands yeux violets et prêts à obéir à la moindre de ses injonctions. Sa longue chevelure soyeuse laissait flotter dans l'air un parfum de violette et elle portait, comme à son habitude, une robe près du corps laissant peu de doute quant à sa plastique parfaite.

Oana Lanbry d'Essenia se disait baronne et issue d'une des plus vieilles familles nobles elfiques d'Arborea. Personne jusqu'à présent n'avait osé mettre en doute sa parole. Il faut dire que lorsqu'elle se présentait, Oana avait une façon d'appuyer sur la particule de son nom qui ne laissait aucune place à discussion. Avec cela, elle possédait une arme redoutable qui mettait tout le monde à ses pieds et en particulier la gente masculine : elle était le charme personnifié. La moindre parole qui franchissait ses lèvres était mielleuse, le moindre de ses gestes était empli de grâce. Cependant, comme souvent, l'apparence était trompeuse. Calcul, faux-semblant, hypocrisie, telles étaient les véritables "qualités" de la haute-elfe. Elfenn les avait décelées dès le départ.

Lorsqu'elle l'aperçut dans l'allée, Oana plaqua un sourire de circonstance sur ses jolies lèvres pleines et avança gracieusement jusqu'à Elfenn.

- Ah Elfenn! Tu tombes à point nommé! Nous entamons la décoration du jardin et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Je ne doute pas que...


- Je n'ai pas le temps! Coupa Elfenn.

Mais Oana n'était pas du genre à lâcher prise aussi facilement. Penchant la tête sur le côté, elle battit des cils et enchaina :

- Oui, bien sûr. Fais ce que tu as à faire. Tu nous rejoindras lorsque tu auras un moment. Un œil critique est toujours appréciable et je souhaiterais que tu donnes ton avis sur le résultat final une fois que tout sera terminé.

Adoptant les mêmes subterfuges aguicheurs que sa compagne, Elfenn grimaça un sourire et répondit d'une voix hautaine :

- Oui, certainement, je serais ravie de pouvoir aider dans une moindre mesure.


- Formidable! S'exclama Oana. Elle tourna les talons et fit signe à l'un des ouvriers qui se tenait non loin. Ce dernier accourut avec deux tréteaux en bois peint en blanc et les plaça d'autorité sur les bras d'Elfenn. Surprise cette dernière tituba sous le poids inattendu de sa charge. Le lien qui retenait sa bourse se dénoua, cette dernière tomba au sol et le caillou qu'elle abritait se mêla aux graviers de l'allée émettant un léger tintement. Jetant un regard mauvais à l'homme qui l'avait ainsi chargée, elle chercha des yeux son trésor, mais c'était sans compter sur Oana qui, s'étant légèrement retournée, lui demanda de sa voix doucereuse :

- As-tu perdu quelque chose?


- Non, rien, répondit précipitamment Elfenn.

- Dans ce cas, et comme je suppose que tu pars te réfugier près de ta fontaine, tu ne verras pas d'inconvénient à poser ces tréteaux dans le jardin. Nous devons monter des tables pour installer le buffet.

Elfenn ne souhaitait pas attirer l'attention sur cette petite manie qu'elle avait de toujours avoir un caillou, du sable ou de la terre dans ses poches, surtout qu'elle savait qu'Oana avait remarqué cette habitude et l'épiait de temps à autre. De plus, elle était pressée d'avoir enfin la paix. Elle retournerait plus tard récupérer son caillou. Remontant sa charge sur ses bras, elle grimpa les quelques marches de l'entrée de la bibliothèque et se dirigea vers le jardin.


2. Désir n'est pas volonté.

Elle inspira un grand coup, emplissant ses poumons de l'air frais légèrement humidifié par l'eau jaillissant de la fontaine toute proche.

Après quelques instants, elle finit par faire abstraction des allées et venues des ouvriers, de leurs coups de marteaux et de leurs gros rires d'hommes. Oana, quant à elle, avait disparu, et c'était un réel soulagement pour Elfenn. Ainsi, elle était libre de faire... Ce qu'elle avait à faire.

Elle ouvrit le gros livre qu'elle avait été chercher quelques minutes plus tôt afin de lui servir de support, prit une feuille de papier blanc et la positionna par-dessus. Puis, fermant les yeux un instant, elle laissa le souvenir remonter en elle insidieusement. Plus elle y pensait, plus la scène prenait vie dans sa mémoire. Tout se reformait distinctement, les objets, les odeurs, les voix. Elfenn en eut le tournis. Elle avait l'impression de se noyer dans ce flot d'informations. Afin de reprendre le contrôle, elle inspira une grande goulée d'air frais. Saisissant un crayon, sa main commença lentement à tracer des lignes grisâtres sur le papier. Elle entra dans une sorte de transe. Elle noircissait, effaçait, estompait et peu à peu, les lieux renaissaient sous ses doigts.

Lorsque sa main lâcha le crayon, elle ne savait combien d'heures elle était restée penchée sur son travail. Reprenant peu à peu ses esprits, elle fixa le dessin qu'elle venait de faire. Ses yeux se voilèrent de larmes et un râle de désespoir s'échappa de sa gorge sèche.

Elle se leva brusquement, s'agrippa à la margelle de la fontaine pour retenir l'évanouissement qui menaçait de l'emporter, puis, plongeant ses mains dans l'eau claire, s'aspergea généreusement le visage.

Elle était dans une impasse. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait ce besoin irrépressible de dessiner cet instant, mais elle savait que les démons qui la hantaient n'auraient de cesse de la harceler tant que ce ne serait pas fait.

Or, elle en était incapable!

Baissant les yeux sur les objets qu'elle avait laissés au sol, Elfenn sentit un accès de rage l'envahir. Elle saisit le dessin qu'elle froissa entre ses mains et lança la boule de papier ainsi formée quelques mètres plus loin.

Inutile de se fatiguer. Elle ne parviendrait à rien de bon tant qu'elle ne saurait pas comment s'y prendre exactement. Elle ramassa les objets qui jonchaient le sol et s'en alla d'un pas décidé, ignorant souverainement les ouvriers qui l'observaient du coin de l'oeil au fur et à mesure de sa progression. Les portes de la bibliothèque se refermèrent sur elle.


3. Nécessité n'a pas de loi.

Elle observait son manège depuis un moment déjà. La main de la castanic voltigeait sur le carnet, traçant d'un geste assuré courbes et lignes. Un visage ne tarda pas à émerger, regard décidé, pommettes hautes, menton volontaire. Cela faisait mal à Elfenn de le constater, mais il fallait bien l'avouer, cette castanic était diablement douée.

Son visage lui disait quelque chose. Elle l'avait déjà croisée, mais où?

L'idée qui commençait à germer dans son esprit ne lui plaisait pas du tout. Elle n'avait pas pour habitude de demander de l'aide, encore moins à une vulgaire "cornue", mais dans l'état actuel des choses, elle n'entrevoyait pas d'autre solution à son problème.

- C'est pas trop mauvais pour un gribouillage!
Lança-t-elle d'un ton désinvolte en direction de la castanic.

La créature leva les yeux de son carnet et la détailla des pieds à la tête de son regard insolent. Elfenn résista avec difficulté à l'envie soudaine qu'elle avait de lui tordre le cou. Sa main commençait déjà à la picoter, ce qui ne présageait rien de bon.

Malgré le regard mauvais d'Elfenn, la castanic continua tranquillement son inspection. Maudite cornue! Songea Elfenn. De toutes les créatures peuplant Arborea, les castanics étaient bien celles qu'elle détestait le plus. L'affaire n'allait pas être simple à conclure.

Allons, se dit Elfenn en son for intérieur, tu as besoin de cette cornue! Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, elle plaqua un sourire de circonstance sur ses lèvres.

- Comment fais-tu? Demanda-t-elle enfin.

Mais décidément, la castanic ne semblait pas disposée à faire le moindre effort d'ouverture et la fixait du regard comme si elle souhaitait sonder son âme. Elfenn vivait cette situation comme une agression. Mal à l'aise, elle s'apprêtait à tourner les talons quand la castanic répondit :

- Et pourquoi souhaites-tu le savoir?

Elfenn sentit un imperceptible soulagement l'envahir, suivi par un souvenir lointain. Cette voix... Un timbre grave, chaud. Elle se laissa emporter quelques semaines en arrière. Une chaleur étouffante, une petite ville perdue au milieu du désert, cette sensation de soif insoutenable. Gorge brûlante, lèvres sèches, elle avait atterri dans cette taverne à Chebika face à ce popori qui n'entendait rien à rien. Gros lézard irrévérencieux, elin agaçante, humain aux cheveux clairs donneur de leçons... Et enfin cette chevelure bleutée d'où émergeaient deux cornes.

Elle faisait partie de ce drôle de groupe attablé à l'entrée. Oui, elle se souvenait à présent et elle revoyait la jeune femme rousse à la recherche de son père qu'elle avait bien failli...

Elfenn reprit brusquement pied avec la réalité. N'obtenant pas de réponse, la castanic était retournée à son occupation.

- Je veux apprendre!


Raide comme un piquet, les bras plaqués le long du corps et les poings serrés, Elfenn tentait comme toujours de se maîtriser.

La castanic haussa dédaigneusement un sourcil.

- Tu "veux", vraiment? Et ne t'a-t-on pas appris que l'on n'obtient pas toujours ce que l'on désire, surtout demandé ainsi!


Mauvaise méthode... Décidément, cette castanic était de loin la plus irritante de son espèce! Pire que Beith et ses ongles vernis de rose, c'était peu dire! Et quel air hautain! il y avait presque un soupçon de haut-elfe dans ces yeux-là! Mais pour qui se prenait-elle donc? Elle allait lui montrer ce qu'il en coûtait de s'adresser ainsi à... Elfenn enfonça ses ongles dans la paume de sa main si fort que leur marque resta imprimée dans sa chair. Elle devait à tout prix se ressaisir si elle voulait parvenir à ses fins.

- Montre-moi! Insista-t-elle.

- Et pourquoi me donnerais-je cette peine?


L'étriper lentement, lui arracher les yeux, lui faire bouffer ses maudites cornes! Non, non! Respire calmement, c'est ça, plus lentement. Surtout, ne pas perdre le contrôle.

- Tes dessins sont très beaux et j'aimerais vraiment apprendre à dessiner comme ça moi aussi.

Et voilà, un peu de pommade dans le dos. Cette petite peste finirait bien par se laisser amadouer. Mais la castanic ne céda pas.

- Pourquoi souhaites-tu apprendre?

- Parce que ça m'intéresse.

Et je n'ai pas à me justifier auprès d'une vulgaire cornue, rajouta Elfenn in peto.

- Ce n'est pas une raison suffisante. Je n'apprends pas le dessin à n'importe qui.

Un éclair meurtrier passa l'espace d'une seconde dans le regard d'Elfenn. Par tous les dieux, cette castanic méritait vraiment qu'on la remette à sa place! Si elle n'avait pas eu si besoin d'elle, ce serait chose faite depuis longtemps!

- Je voudrais apprendre à dessiner des paysages. C'est pour un ami qui est malade. Est-ce une raison assez valable à tes yeux?

Ce n'était qu'un demi-mensonge. La castanic le décela peut-être. Toujours est-il qu'elle finit par capituler. Elle tendit un carnet à Elfenn.

- Tiens! Tout est noté là-dedans! Tu y trouveras différentes techniques. Tu n'as plus qu'à t'entrainer. Ne le perds pas et ramène-le moi en bon état quand tu auras fini!


- Oui, oui, merci.

Elfenn s'apprêtait à partir, pressée d'en finir, quand la castanic l'interpella à nouveau.

- Eh! Une minute! Il faudrait peut-être que tu me donnes ton nom.

Elle fixait Elfenn de son regard perçant. Cette dernière fut à deux doigts de lui mentir mais se ravisa.

- On m'appelle Elf, lâcha-t-elle du bout des lèvres. Au besoin, demande "la conteuse" à Velika.

La castanic ne fit pas de commentaires.

- Et toi? Demanda Elfenn

Pour toute réponse, la castanic haussa les épaules et dit :

- Préviens-moi quand tu auras fini et fais attention à mon carnet!

Exaspérante cornue! Très bien, elle pouvait bien garder son nom pour elle après tout. Peu importait. Elle avait entre les mains la solution à ses soucis. Elle glissa le carnet dans sa besace et incanta son retour pour Velika.


*****************


Guild Wars 2


L'énigme de la Triade.


"Fini!" S'exclama Merilia bras tendus vers sa toute dernière composition florale. "Alors, qu'en penses-tu?"

"Hum, très joli", marmonna Ahveel. Sourcils froncés, elle était concentrée sur un point du sol non loin. Merilia sentit soudain la terre trembler et aperçut quelques phalanges humaines sous forme d'os décharnés sortir du sol pour disparaître aussitôt. S'ensuivit le bruit d'un pot brisé. Encore une fois, sa toute dernière création n'avait pas survécu aux entrainements désastreux de son amie nécromante. Merilia poussa un soupir de dépit et s'accroupit pour ramasser les dégâts.

- Tu ne l'as même pas regardé! Reprocha-t-elle à Ahveel.

- Bien-sûr que si! Dominante orange, quelques touches de jaune et un soupçon de blanc pour adoucir le tout. Et les verts du feuillage étaient magnifiques! C'était parfait, comme d'habitude!
Répondit Ahveel tout en se concentrant à nouveau sur le sol.

- Oui, c'était! Soupira Merilia. Sentant encore la terre trembler sous ses pieds, elle s'exclama : "Bon sang Avy! Ne pourrais-tu pas faire une pause quelques minutes? Ou travaille un autre sort en ma présence s'il te plaît! Ces squelettes me donnent la nausée!" Devant l'air outré de son amie Merilia crut bon d'ajouter : "Ce que tu fais est dégoûtant!"

- Mes nonos sont très propres! S'indigna Ahveel.

- Il n'y a rien de propre dans ce que tu fais sortir de là-dessous! Renchérit Merilia. Je ne comprendrai jamais pourquoi tu t'échines à vouloir absolument maîtriser ce sort! Ce tas de cadavres qui émerge d'un coup… Brrrrrr! Et en plus, ça pue!

- Mes nonos ne puent pas! Cria Ahveel.

- Oh que si ils puent! Ces trucs dégagent une odeur pestilentielle quand…

- Coucou les filles!

- Ah ben tiens! Lui, il pue!
S'exclama Ahveel en désignant d'un jet de la main l'asura qui venait de les rejoindre dans le jardin.

- Eh! J'ai pris une douche ce matin!
S'exclama l'asura tout en reniflant bruyamment ses aisselles.

Ahveel fronça les narines tout en le regardant faire et prit une mine dégoûtée. Puis elle se saisit d'une chaise sur laquelle elle se laissa choir brutalement à l'envers, bras croisés sur le dossier, menton calé sur les mains.

Elle était si avachie que ses fesses se trouvaient à moitié dans le vide, accentuant une cambrure naturelle déjà très prononcée mise en valeur par sa mini jupe à froufrous indécente dévoilant ses longues jambes halées et musclées. Ses cheveux noirs retombaient jusqu'au milieu de son dos en une masse lisse et brillante. Elle arborait une petite moue boudeuse tout en toisant de ses yeux maquillés du masque de démon propre à une partie des nécromants l'asura qui se tenait devant elle.

- Alors? Demanda-t-elle soudain.

L'asura se rapprocha lentement et s'éclaircit la gorge avant de répondre :

- Alors pour le moment, je n'ai aucune information précise. Nous y travaillons, mais je pense que ça va prendre du temps. Le système de fermeture est assez sophistiqué. Nous n'avions jamais vu ça auparavant. Nous pensons que les symboles gravés sur le couvercle constituent une des clés de l'énigme mais aucun de nous n'a réussi à les traduire jusqu'à présent.

- En clair, nous ne sommes pas plus avancés!
Maugréa Ahveel.

- Dis-donc, "miss je ne suis jamais contente", si tu penses pouvoir résoudre l'énigme mieux que nous, alors pas de soucis, tu peux venir récupérer ta vieille boîte!

Le regard de la jeune humaine se voila. Elle ouvrit la bouche et une mélopée lancinante sortit d'entre ses lèvres qui pourtant ne bougeaient pas. La terre trembla et une bête immonde sortit du sol dans un fracas assourdissant Ses énormes yeux globuleux roulaient dans tous les sens et de gros filets de bave dégoulinaient de sa grande bouche aux mâchoires imposantes.

L'asura partit se réfugier en vitesse dans les jupes de Merilia, manquant la faire tomber dans sa précipitation.

- Hé Hatsu! Doucement!
Lui lança cette dernière. Puis elle lança un regard sévère à Ahveel. Avy! As-tu besoin de sortir cette chose à chaque fois que tu es contrariée? C'est un peu démesuré comme réaction, ne crois-tu pas?

Elle n'obtint pour toute réponse qu'un haussement nonchalant des épaules de la part de l'humaine.

- Avy, s'il te plaît! Ank fait peur à Hatsu!

Après quelques secondes qui parurent durer une éternité à l'asura, Ahveel cria un ordre au monstre qu'elle avait fait apparaître.

- Au pied Ank!

La monstrueuse bête s'approcha docilement de sa maîtresse en flottant au-dessus du sol et se tint sagement à ses côtés.

- Parce que cette chose a un nom?
Cria Hatsu en s'écartant précautionneusement de Merilia.

- Oui, soupira Merilia. Il s'appelle Ankou. C'est... L'animal de compagnie d'Avy, dit-elle en grimaçant.

- Peuh!
Cracha Hatsu. Tu ne peux pas prendre un chien comme tout le monde?

Devant le haussement de sourcil mauvais d'Ahveel, Hatsu baissa immédiatement le ton.

- Ok, chacun fait comme il veut après tout!

- Ank est très gentil! N'est-ce pas mon bébé? Dit Avheel en caressant la peau visqueuse de son monstrueux animal de compagnie. L'immonde bestiole se mit à ronronner de contentement sous la caresse de sa maîtresse.

-C'en est trop pour moi! Lança Merilia. Viens Hatsu, laissons Avy et Ank . J'ai fait tes biscuits préférés, ils sont encore tout chauds.
Hatsu suivit Merilia de bonne grâce. Avant qu'ils n'entrent dans la petite maison de campagne Avheel lui cria :

- Et trouve-moi rapidement comment on ouvre cette boîte Hatsu!


Son visage s'assombrit et elle murmura plus pour elle-même que pour ses deux compagnons qui s'étaient éloignés. "Je ne plaisante pas, le temps nous est compté".

**********


Le soleil éclaboussait les collines de ses rayons ardents. Les oiseaux pépiaient gaiment, les papillons dansaient de fleur en fleur dans un gracieux ballet aérien. Un groupe d'enfants arriva en courant ; ils riaient aux éclats en chantant une comptine. Toute la Kryte semblait en fête. Et plus Ahveel progressait sur la route et constatait l'allégresse ambiante, plus elle devenait maussade.

Elle n'avait toujours aucune nouvelle des asuras concernant le petit coffret qu'elle leur avait confié et s'il y avait bien une qualité qu'Avheel ne possédait pas, c'était la patience! Et ses méthodes quelque peu expéditives faisaient d'elle l'initiée la plus prometteuse de l'Ordre des Soupirs.

Elle marchait d'un pas décidé. La fermière lui avait dit de descendre le chemin et de tourner sur la droite après l'arbre creux. Depuis quelques temps, une bande de malfrats opérait dans la région empoisonnant la vie des villageois des alentours. Botter les derrières de ces brigands serait un bon défouloir. Oh oui! Et Ahveel avait bien besoin de passer ses nerfs sur quelques brigands!

Toute à son impatience, elle mit quelques instants à percevoir les cris d'un individu non loin de là. Enfin un peu d'action! Songea-t-elle en se précipitant vers l'endroit d'où la voix semblait provenir. Elle ne mit pas longtemps à tomber sur la personne en question, et ce de tout le poids de sa petite personne. En effet, l'homme, puisqu'il s'agissait d'un humain, lui avait foncé droit dessus et, se prenant les pieds dans son bâton, avait chu lourdement sur le sol entraînant Ahveel avec lui.


- Par Grenth! S'exclama-t-elle! Bas les pattes espèce de malotrus!

- Je veux bien mais…

- Vous n'êtes qu'un goujat! Un voyeur! Un obsédé! Hurla-t-elle en se relevant tant bien que mal et en tirant frénétiquement sur les volants de sa jupe afin qu'ils couvrent ses jambes. En vain puisqu'elle s'obstinait à ne porter que des jupes dont la longueur était à la limite de ce que la morale autorisait.


- Et bien!
Répondit l'inconnu imperturbable en tentant de se redresser malgré la lourde armure qui encombrait ses mouvements. C'est la première fois que l'on me gratifie d'un tel chapelet d'épithètes douteux lors d'une première rencontre!

Ayant dit cela, il étira ses lèvres en un sourire charmeur découvrant une rangée de dents blanches.


- Cela vous amuse?
S'indigna Ahveel.

Serrant les poings de rage, elle se mit à incanter le sort qu'elle maîtrisait le mieux. La terre se mit à trembler et une sorte de brèche s'ouvrit dans un vacarme assourdissant. Une monstrueuse bête ne tarda pas à en sortir et vint se placer au dessus de l'homme, pétrifié par ce spectacle auquel il n'était visiblement pas habitué. Un long filet de bave verdâtre coula des grosses babines du monstre jusque sur le plastron du bel inconnu.

- Ank! Pas bouger!
Ordonna Ahveel.

- Cette chose vous appartient? Demanda l'homme d'une voix rendue tremblotante par la peur.

- Je surveillerais mes paroles si j'étais vous! Ankou est très susceptible! Rétorqua Ahveel, enjouée d'avoir réussi à faire perdre un peu de sa superbe à l'inconnu.

- Ecoutez, balbutia l'homme, je ne voulais pas vous fâcher, je vous assure.

- Il va falloir vous montrer plus convaincant!
S'amusa Ahveel.

- Mais vous êtes une vraie peste ma parole! S'exclama l'homme.

Il ravala rapidement la suite de ce qu'il s'apprêtait à dire face aux yeux injectés de sang que le dénommé Ankou dardaient sur son visage.

- Très bien! Je vous assure que je ne voulais pas vous faire tomber, ce n'était qu'un accident.

Ahveel haussa un sourcil et ne bougea pas d'un iota. Devant sa mine décidée, l'homme poussa un soupir.

- Je vous prie d'accepter mes excuses.


Comme Ahveel ne bronchait toujours pas et qu'Ankou menaçait de le faire s'évanouir à force de lui souffler son haleine fétide sur le visage, il insista.


- Je suis très, très sincèrement désolé.


- Au pied Ank! Lança alors Ahveel.

L'homme poussa un soupir de soulagement quand la bête rejoignit sa maîtresse en flottant au-dessus du sol. Il allait se relever quand Ahveel lui ordonna :


- Vous, vous ne bougez pas!

- Mais…


- C'est quoi votre nom?
Le coupa-t-elle.

- Et bien, je me nomme Gauthier, Gauthier Sans Avoir.
Répondit l'homme tout en essayant de trouver une position plus confortable sur le sol. Et vous, comment vous-appelez-vous?

- C'est quoi ce nom? Enchaîna Ahveel sans répondre à la question."Sans Avoir", c'est bien la première fois que j'entends un nom pareil… Vous ne semblez pourtant pas sans le sou à en juger par votre mise! Disant cela, elle observa l'armure de mailles flambant neuve de Gauthier refléter les rayons du soleil. Comme ce dernier ne trouvait rien à redire à sa remarque, elle continua : Pourquoi criiez-vous ainsi tout à l'heure?

- Euh… C'est-à-dire que je me suis retrouvé dans une situation assez délicate en voulant rendre service à la population locale.


- Délicate comment?

Gauthier semblait embarrassé, cependant, il répondit :

- Une bande de malfrats nous a tendu une embuscade.



- Qui nous?


- Euh… Et bien moi et quelques fermiers.


- Où sont-ils passés?


- Euh… Je ne sais pas trop… Ils sont sans doute encore à mes trousses… Nous ne devrions pas traîner dans les parages.


Ahveel haussa les yeux au ciel.

- Je ne parle pas de vos brigands de pacotille espèce de couard! Les fermiers! Où sont-ils?


- Ah ben, ils se sont enfuis dès que les brigands sont apparus.

- Et peut-on savoir combien étaient ces brigands pour que vous criiez à en alerter toute la Kryte?


- Oh!... Une bonne centaine au moins!
Lança Gauthier en rivant le regard au sol.

- Pff! C'est bien ma veine!
Maugréa Ahveel.

- Ah ça! Je suis bien d'accord! C'est de pire en pire! Et si je pouvais me lever afin que nous puissions nous éloigner des dangers environnants, je vous en serais très reconnaissant.



- Mais je ne parle pas de vos bandits gros peureux que vous êtes!
S'exclama Ahveel excédée. C'est bien ma veine d'être tombé sur l'homme le plus timoré de toute la Tyrie!


- Toute la Tyrie! Vous exagérez!
Répondit Gauthier. J'aurais bien aimé vous voir face à une centaine de…


- Une dizaine tout au plus!
Le coupa Ahveel. Arrêtez de me raconter vos sornettes. Je piste ces bandits depuis trois bonnes heures!


- Euh… Et bien…


Ahveel poussa un râle d'énervement.

- C'est bon, vous pouvez vous relever et fuir vers le village le plus proche! Indiquez-moi juste l'endroit où ces idiots vous attendaient que je puisse aller leur donner la leçon qu'ils méritent!



- Si vous le permettez, je pourrais vous accompagner. Une jeune femme seule face à…



- Oh, voyez-vous ça! Il est vrai que vu les prouesses spectaculaires dont vous avez fait preuve face à ces brigands, votre aide va m'être indispensable!
Railla Ahveel. Continuez donc votre route, Monsieur Sans Avoir! Vous avez votre armure à aller lustrer!

Sur ces mots, elle commença à avancer vers le nord afin de récupérer le chemin qu'elle avait abandonné quelques minutes plus tôt.


- Je vous assure que je peux vous être d'une aide précieuse.
Insista Gauthier en la suivant à une distance respectueuse afin de ne pas trop s'approcher d'Ankou qui le surveillait du coin de l'œil.


Ahveel ne prit pas la peine de lui répondre. Elle progressait par grandes enjambées, sautant avec habileté au-dessus des arbres morts qui jonchaient le sol, poussant avec une grâce toute féminine les branches qui venaient s'accrocher à ses longs cheveux bruns.


Gauthier ne sut à quel moment Ankou le laissa progresser à la hauteur de sa maîtresse sans faire mine de vouloir le dévorer. Il ne sut pas plus pourquoi il persista à suivre cette jeune femme au sale caractère et son immonde compagnon visqueux. Toujours est-il que cela se fit et qu'ils continuèrent la route tous les trois dans le silence le plus absolu.
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